La musique techno a ses rites, ses chefs et ses croix gammées(L'Humanité - 15/06/1993)
C'est une musique hallucinante récupérant des sonorités extrêmes qui, une fois digérées, sont introduites dans des boucles répétitives et hypnotiques. Son nom vient du fait qu'elle est entièrement technologique. Composée sous ecstasy et LSD et baptisée "acide music", elle exige de celui qui l'écoute qu'il soit sous l'emprise des mêmes drogues. Créée sur ordinateurs, et ayant pour ancêtres fondateurs le groupe allemand Kraftwerk, elle secoue le corps jusqu'à 150 battements de coeur/minute. Ses adeptes décrivent l'effet produit : "Ça met le cerveau en ébullition, ça martèle la tête, le coeur passe dans la tête..." La techno vient de Detroit (USA) et a commencé avec les sons très métalliques de Derrick May. Ses petits-cousins sont le "hardcore", très à la mode en Grande-Bretagne, et qui pousse plus loin "le paroxysme électronique sous influence industrielle", et le "bleeps", une ultime transformation de la techno, elle aussi produite en Grande-Bretagne. Les bleeps sont des petits bruits électroniques qui parsèment les morceaux où prédominent une basse ultra profonde, qui cogne. Le DJ (disc Jockey) est la star, le chef d'orchestre, le maître de cérémonie de la rave. Il a un statut inégalé. Il est l'individu qui crée, du seul bout de ses doigts, rien qu'avec des claviers. On lui donne une rythmique, un vocal et gère le tout. Les voix proviennent de "samplers" piqués sur des vieux disques qui sont remixés. Les outils du DJ ? Des platines, des murs d'enceinte, un ampli, une table de mixage derrière lesquels il "scratche", mixe et synthétise. Ce que l'on appelle la culture techno est désormais structurée avec des producteurs (dont la FNAC), des magasins de disques spécialisés (à la Bastille), des émissions de radio (Fréquence Gaie, Radio Nova,MD-40), le 3615 RAVE, ses associations de transport (Take no system et d'autres), ses journaux sympathisants ("Actuel", "Libération") et ses fanzines bourgeonnant ("Coda", "Eden", "KOF"). Le dénommé "KOF", dans son numéro d'avril 92, se défendait d'être "facho, même disait-il, si le groupe Deat in June figure au sommaire". Il faut dire que le groupe en question (traduisez "Mort en Juin") fait entrer dans ses morceaux l'hymne nazi et des chants hitlériens. Les groupes techno Mussolini Headkrick, et Laibach n'ont rien à lui envier de ce point de vue, puisqu'ils se revendiquent ouvertement idéologiquement nazie. Les noms de groupes tels que Klinik, Tortur Chamber, Suicide ou Autopsy parlent tout seuls. Quant au leader de Vomito Negro (à vomir effectivement...), il explique que, avec ses vomissures synthétiques, il veut exprimer "le sentiment d'un maximum de pouvoir avec un minimum d'équipement. Lorsqu'il jouait avec Klinik, ils projetaient sur un grand écran un film sur l'opération d'un oeil qui faisait s'évanouir toute une partie de l'assistance.
Magali Jauffret |