La Techno nord européenne

"Five Years of Eye Q", Eye Q / East-West
Sven Väth, "Accident in Paradise", East-West

Sans l'Allemagne, jamais la techno et la house n'auraient connu un tel retentissement sur le continent. Déjà familiarisés à l'électronique depuis les années 70 avec Kraftwerk, DAF ou Tangerine Dream, public et musiciens embrayèrent rapidement sur le mouvement, devenu aujourd'hui la musique populaire par excellence des jeunes allemands. Au début des années 90, une poignée de DJs de Cologne et Francfort, basés sur les labels Eye Q et Harthouse créèrent sous l'égide de Sven Väth la trance. Aux beats surpuissants de la techno, ils y marièrent de longues plaintes synthétiques. L'Allemagne renouait avec ses glorieux pionniers de l'électronique des seventies, inventeurs de la musique planante et cosmique. De cette époque bénie, il reste heureusement des traces : l'album de Sven Väth "Accident in Paradise", et le panorama historique"Five Years Of Eye Q Music", qui révèle à la fois la genèse et l'actualité du genre.

"Tresor IV, Solid", Tresor / PIAS
A Berlin, le label Tresor résume tout un pan de l'histoire de la techno. Né du club éponyme, il incarne, au début des années 90, l'alliance entre les musiciens américains de Detroit et les producteurs germaniques. Cette double compilation rassemble les dignitaires du genre, de part et d'autre de l'Atlantique. Le premier CD propose une techno minimaliste mais toujours céleste et raffinée, grâce aux talents de Maurizio (figure mythique du genre en Allemagne), Model 500 (Juan Atkins) ou encore Joey Beltram. Le second, mixé par Jonzon, DJ allemand de la première époque, offre une techno racée d'une puissance dévastatrice avec explosions d'Underground Resistance ou du même Maurizio...

Acid Scout, "Music Für Millionen", Disko B / PIAS
Acid Scout excelle dans une techno de style ravageur et dévastateur, sans fioritures aucune. Une musique purement électronique, acérée, stridente, un rien noisy, sur l'un des labels allemands les plus puristes et radicaux : Disko B, créé à Munich par l'ancien musicien de DAF Robert Görl.

LSG, "LSG Volume 2", Superstition / PIAS
Derrière LSG se cache Oliver Lieb, pionnier de la première vague trance allemande. Son style a évolué vers des rythmes plus sophistiqués, plus d'ambiances et d'harmonies. D'où ce bel album à conseiller à tout ceux qui veulent s'initier à la trance.

Jimi Tenor, "Intervision", Warp / PIAS
Jimi Tenor est un extraterreste. Sa lointaine planète d'origine, la Finlande, n'est pas le premier endroit auquel on pense quand on se met en quête de défricher la mappemonde technoïde. Pourtant, ce pays a développé un microcosme électronique à l'écart de toutes modes. Le "petit" label Sakho, par exemple, invente dans le milieu des 90's un univers étrange, fait d'électro-bleep langoureux et de poésie digitale décalée, voire expérimentale. C'est de cet univers qu'est né Jimi Tenor, peut-être le plus universel des musiciens évoluant dans la galaxie techno. Ces influences dépassent le seul cadre de l'électronique. La sublime ballade parodico-funky "Can't Stay With You Baby" rappelle le meilleur Prince. Ailleurs, on pense à Alan Véga, plus loin à Curtis Mayfield, David Bowie ou Marlène Dietrich. Humblement, mais sûrement, l'espion venu du froid nous donne une grande leçon d'éclectisme post électronique.

Panasonic, "Kulma", Blast First / Mute / Labels
"Kulma" s'engage sur un déraillement sonore. Un bruit blanc. Une plainte électronique terrible et minimale qui vrille dans les aigüs. Un avertissement sonore aux amateurs de mélodies sucrées. Car "Kulma" est un album radioactif, en direct de la Finlande extrême, et sur le label mythique des premiers Sonic Youth. Galette expérimentale donc, entre une techno ultra radicale à des plombes des dancefloors et une musique industrielle claire et métallique comme les transes mystérieuses d'un compteur Geiger envoûté par un sorcier futuriste, plus proche de la musique contemporaine que de la trance Goa...

"Thunderdome 97", Arcade
Entre Gand, Amsterdam et Bruxelles s'est développée dans les années 90 une techno européenne à l'énergie brute. Avec deux symboles de cette techno du Bénélux : R&S d'abord, label visionnaire basé à Gand, qui a révélé des artistes aussi prestigieux que Frank De Wulf, Marcos Salon, Joey Beltram ou CJ Bolland; et puis Thunderdome, chantre d'une musique hardcore du genre grand guignol qu'on appelle Gabber... Le hardcore est né, au début des années 90, entre l'Allemagne et le Bénélux, d'une fusion entre les sons distordus et surpuissants de la musique industrielle et le groove de la techno. Le genre, avant tout destiné aux raves, a connu son heure de gloire aux Pays-Bas où il est devenu une quasi-institution. La compilation "Thunderdome 97", enregistrée en live, restitue à merveille l'ambiance délurée et délirante de ce type de célébrations sismiques. S'y côtoient tous les chefs de file du hardcore, Rob Gee, Buzz Fuzz, Chosen Few, 3 Steps Ahead et autres Rotterdam Terror Corps, qui rivalisent de puissance et, précisons-le, d'humour.

Emmanuel Top, "Astéroïd", NovaMute / Labels
Un grand du nord de la France, très secret, et qui possède un son inouï. Son premier album est une sorte de space-opera électronique minimaliste mais grandiloquent. Il cultive une musique sobre mais terriblement puissante et précise, où l'on sent toute l'influence de la techno européenne du triangle Gand-Amsterdam-Bruxelles. Mieux : alors même que cette techno continentale semble en perte de vitesse, Emmanuel Top en renouvelle le genre.



Allemagne
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"Five Years of Eye Q" "Tresor IV, Solid" Acid Scout LSG


Finlande
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Jimi Tenor Panasonic


Benelux
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"Thunderdome 97" Emmanuel Top