Retour à la case duo pour Underworld. C'est au moment où
sort leur fulgurant album live
Everything
Everything (et où nous réalisons cette interview) que
le DJ Darren Emerson a décidé de faire bande à part, laissant
Karl Hyde (chanteur) et Rick Smith (producteur) poursuivre leurs aventures en
tandem, comme à l'époque révolue de Freur. "Qu'à cela ne
tienne, affirme Karl Hyde, Underworld continue." On n'en attendait pas moins de
la part d'un groupe en si bon chemin.
Pourquoi Darren est-il parti?
Karl Hyde:
Je n'en sais
rien ! Il ne nous a plus donné signe de vie du jour au lendemain. On
n'a plus aucun contact avec lui. Tout ce qu'on sait de Darren aujourd'hui, on
l'a lu dans la presse. Notre dernier concert ensemble date de novembre
1999, depuis il n'a plus rien fait avec nous.
Bizarre, quand même. Vous paraissiez si
soudés
Karl Hyde:
Ouais, je pensais aussi qu'on l'était. Je connais Rick depuis
19 ans et Darren depuis 11 ans. Le trio qu'on a formé se trouve être
la plus longue aventure de ma carrière. Franchement, j'ignore quelle
mouche a piqué Darren. Tout ce que je peux dire, c'est que je le
considére encore comme un ami. Et j'espére qu'un jour on se
reparlera.
Vous avez l'intention de recruter un autre DJ pour le
remplacer ?
Karl Hyde:
Non, ça suffit comme ça.
Underworld n'a pas besoin d'un troisième membre qui aurait 15
ans de moins pour continuer à produire de la bonne dance-music ?
Karl Hyde:
Non,
mais ça ne veut pas dire qu'à l'avenir on n'écoutera que
nous-mêmes, comme deux vieux cons ! On reste attentif à ce que
les jeunes cherchent aujourd'hui, on maintient toujours un contact direct avec
eux. On s'est aperçu que la jeunesse de maintenant a toujours une attitude
et qu'elle compte sur des groupes tels que le nôtre pour représenter
sa façon d'être et de penser. ça, c'est très important. On
est les médias de la "young attitude", des médias créatifs bien
sùr, pas de vulgaires miroirs déformants.
La dance-music reste-t-elle votre principale force de frappe pour
cela ?
Karl Hyde:
Définitivement. Les rythmes de la dance sont si variés
que cela ne nous empèche pas d'être éclectiques à ce que
nous avons, il me semble, toujours été. Et puis la dance-music est le
dernier mouvement qui offre encore un tant soit peu de liberté artistique.
Tant que tu ne rentres pas dans le cirque du rock'n'roll, qui te pousse à
vouloir vendre toujours plus de disques et à donner les shows les plus
spectaculaires, tu peux avancer sans te compromettre. Avec Rick, on n'a jamais
cherché à devenir autre chose que nous-mêmes et on est heureux
de constater que notre public n'a pas besoin qu'on lui jette de la poudre aux
yeux pour venir en nombre à nos concerts.
Etiez-vous conscients, à vos débuts, de la dimension
fédératrice qu'allait dégager votre musique ?
Karl Hyde:
Non, on
n'a jamais rien prémédité. Au départ, on n'avait pas la
moindre idée de ce que nos morceaux allaient donner sur scène ou dans
les clubs. Je n'aurais même jamais imaginé que notre musique puisse
toucher tant de gens. Au début des années 90, on jouait exclusivement
devant un public "club". Puis on a commencé à être bookés
dans des salles "rock". Pour nous voir, les clubbers étaient alors
obligés de se déplacer sur le terrain des rockers, qui se sont
également retrouvés dans notre musique. ça faisait un drôle
de mélange mais la sauce prenait et c'était très excitant de
rassembler deux publics aussi différents. Ce côté
fédérateur est notre point fort mais nous ne sommes pas les seuls.
Des groupes comme Orbital, Leftfield ou les Chemical Brothers ont
également réussi à amener l'underground au grand public.
L'album Everything Everything témoigne de
l'importance du live au sein d'Underworld. La scène a-t-elle été
le moteur de votre succé ?
Karl Hyde:
Probablement.
La scène est le véritable terrain de la dance-music. Sans public, il
n'y a pas de dance c'est d'ailleurs l'une des grandes différences
entre le rock et la techno. Si les gens ne bougent pas pendant nos concerts,
c'est foutu, on ne peut pas recourir aux mêmes artifices qu'un groupe de
rock pour sauver la face. Heureusement, ce cas de figure est rarissime.
La plupart des gens aiment nos live, parce qu'on ne triche pas, on ne
calcule jamais rien, on n'utilise pas de DAT, on improvise presque tout et on
évolue sans arrêt. Nos concerts ne sont jamais figés, donc
le public non plus.
Y a-t-il des morceaux que tu préféres parmi tous ceux
que vous avez produits ?
Karl Hyde:
Non, parce que tous sont sincères et représentent nos
humeurs à un moment donné. Cette question reviendrait à demander
à une mère quels sont ses enfants préférés. Or, j'aime
vraiment tout ce qu'on a sorti avec Underworld. Les morceaux qui nous
plaisaient moins sont restés à l'état de démo.
Imagine que tu sois naufragé sur une île déserte et
que tu ne puisses sauver que cinq disques. Lesquels garderais-tu ?
Karl Hyde:
(Après mûre réflexion.)
Bitches
Brew de Miles Davis, la
Quatrième
Symphonie de Gustav Mahler,
Blue de
Joni Mitchell, Growfinns de Captain Beefheart et le premier
volume des Motown Chartbusters. --Stéphanie Lopez