De l'eldorado financier et bitumé qu'est Francfort est
né le Hardcore en 1989. Deux hommes en sont à l'origine:
Marc Arcadipane et Thorsten. Le premier, génialissime musicien,
a composé plus de 250 disques en moins de cinq ans sur
autant de labels pouvant correspondre à un son particulier.
Aucun artiste ne peut se vanter d' avoir sorti près d'un
disque par semaine. Le deuxième, compagnon indissociable
de ce succès interplanétaire, gère de main
de maître l'ensemble des labels de Planet Core Production,
de 2001 Dance Ecstasy à Cold Rusch en passant par Kotzaak
ou No Mercy Records, la distribution regroupée au sein
de Planet Core Distribution, les projets avec les nouveaux artistes...
Mais rencontrer l'équipe de PCP en terre inconnue est une
expérience+ relativement bizarre, à la limite du
traumatisme. Parce que le Hardcore est une attitude et l'underground
un état d'âme, la rencontre ne fut pas facile. Etre
français et journaliste est loin d'être un avantage
à leurs yeux.
"Nous préférons de loin que personne ne
sache réellement qui nous sommes."
Vos débuts ?
Marc Arcadipane: On a commencé en 1989. On a monté
nos projets à cette époque mais nous nous connaissions
depuis quelques années déjà. On avait envie
de faire du live et surtout de monter un vrai groupe. Mais nous
ne voulions pas fricoter avec les majors alors on a monté
notre label. On a tout d'abord perdu beaucoup d'argent. On s'est
décidé à partir en Hollande vendre nos disques
et les faire écouter, et en rentrant on s'est aperçu
que la distribution était très mauvaise. On a alors
commencé PCP et puis aussi à s'occuper de notre
propre distribution.
Mais on est avant tout des musiciens, pas des business men.
Le premier disque de PCP fut un disque de Mescalinum United.
Vous avez rencontré Lenny Dee, grosso modo à
cette époque ?
Oui. Lenny à fait un titre pour PCP pour le label Super
Special Corp, le SS N°5 je crois, et nous lui avons donné
un titre en échange pour son label. (NDLR. Industrial Strenght
1).
Il y a un mystère derrière PCP, est-ce un jeu
que vous entretenez ?
Non. Lorsque les gens viennent nous voir jouer, qu'ils veulent
des autographes, des photos de nous, c'est quelque chose qui nous
ennuie. Je préfère de loin que personne ne sache
réellement à quoi nous ressemblons.
L'important c'est que nous sommes ces types qui bossons en studio,
qui livrons les morceaux sur scène. Les gens en parlent
et vivent ce que nous voulons leur transmettre comme sensation.
Mon plaisir est de faire mes morceaux et de les livrer au public,
pas de jouer tout le jeu qui va autour !
Nous travaillons beaucoup sur l'imagerie et les concepts autour
de chacune de nos productions. En fait, il n'y a plus de titres
de PCP à proprement parler.
PCP est plus une idée générale, un son particulier
qui englobe toutes les productions.
Es-tu derrière tous les projets de PCP ?
Non, je travaille seulement sur les projets de PCP comme Mescalinum
United, The Mover, Rave Creator, Nasty Django... Nous travaillons
avec d'autres musiciens, comme Stickhead, Lunatic Asylum, Masters
of Rave...
Peux tu nous expliquer la différence entre ces diférents
projets ?
Ace The Space et T-Bone Castro sont plus de la musique
pour la fête. Celle de Nasty Django est plutôt
une musique qui évoque les gangsters. Alors que Rave
Creator est un projet pour la "rave"...
Et toi comment les différencies tu ?
Tu sais, je ressens (il montre son ventre) si tel ou tel morceau
ira dans un projet particulier lorsque je le compose. Chaque
personne peut être tour à tour, un mec cool, un connard,
un mec agressif ou triste, toutes ces gammes de sentiments atterrissent
inévitablement dans ta musique.
Chaque projet de PCP désire traduire ces différents
sentiments. Note bien que Mescalinum United est l'un de nos projets
joué par tous les Djs : de Sven Vath à Laurent
Garnier et Carl Cox.
Vous ne distribuez que vos productions ?
Oui à 90%. Mais aussi 80 Aum, Red Tide Records, Gangstatoonsindustrie,
Fischkopf et divers autres labels comme Black Hand, ou encore
Dancepool.
Pourquoi autant de divisions et de labels dans PCP ?
Il y en a essentiellement 5. Mais nous avons comme projet de n'en
travailler plus que 2 ou 3. Lorsque nous avons commencé
à produire beaucoup, nous avons choisi de disperser notre
travail sur plusieurs labels. Chaque label ayant son identité,
son concept et son son. Mais aujourd'hui tout le monde fait ça
!
Alors nous préférons revenir à 3 divisions
et continuer à les contrôler : Dance Ecstasy 2001,
notre label "rave", PCP pour l'Underground, peut-être
Kotzaal, et nous allons peut-être abandonner Cold
Rush...
C'est important pour nous d'avoir toutes ces divisions. Elles
permettent plus de liberté. Nous signons même des
titres immédiatement sur un de ces labels lorsqu'ils correspondent
à l'esprit et à la couleur du label.
A l'arrivée nous travaillons avec des gens aussi différents
que Léo Annibaldi ou Lunatic Asylum, Brain
in a box, ...
En Angleterre nous sommes célèbres pour nos disques
de "rave" avec entre autre Rave Creator, Dj
Djamy... En Hollande : Nasty Django, et les productions
de Cold Rush. En Italie : Ace the Space, T-Bone
Castro et en France avec les productions de Cold Rush.
Quel est le meilleur public à ton goût?
Le meilleur public que j'ai jamais vu reste celui de Rimini et
de Venise (Italie).
L'Underground (!?)
Tous ces discours de merde autour de l'underground m'ennuient
: "Qu'est-ce-qui l'est ou ne l'est pas ?". Tu peux rester
undergound et gagner 10 millions de Marks. Et la manière
dont tu les dépenses reste ton problème ! Pour moi
l'underground c'est de ne pas marcher sur les chemins tous tracés.
L'underground c'est la manière dont tu as choisi de vivre
: moi, je ne regarde pas la télé, je prends avec
précaution ce que la presse raconte, je ne travaille que
si cela me dit, je fais ma vie sans m'en tenir au qu'en dira-t-on,
je fais mes trucs, reste indépendant, et tous les gens
qui travaillent avec nous sont dans le même esprit. Et ce
sont tous des amis.
Au delà de notre musique, nous faisons absolument tout
sur nos disques, nous tenons à garder le contrôle
sur tout ce qui touche PCP.
Nous refusons de collaborer avec des gens que nous n'estimons
pas.
95% des musiciens techno font cette musique pour la gloire ! Parce
qu'ils ne sont pas réellement musiciens. Nous, nous produisons
énormément de disques avec un souci constant de
qualité en gardant notre éthique, et nous ne sommes
pas riches. Mais nous avons choisi cela !
PCP a sorti quelque chose comme 250 disques au cours des 5 dernières
années. Je ne connais personne qui produise autant que
nous, avec cette qualité de travail. Beaucoup de types
pondent 4 disques et font 10 millions de Marks. Ils font de la
merde pour avoir le fric. Moi, je refuse ça !
Par contre si je fais de l'argent en produisant la musique que
j'aime, c'est parfait ! Tout dépend du temps que tu as
mis à faire quelque chose. Dans la techno, si tu as pondu
quelque chose de neuf, après 5 ans, c'est déjà
vieux et usé. Nous, nous sortons de nouvelles productions
chaque semaine, pour ne jamais cesser d'évoluer et pour
ne jamais être dépassés.
Si tu veux faire de la musique commerciale ça te regarde.
Mais si ta musique n'est attirée que par le fric c'est
du gâchis.
Pour moi, le plus important c'est qu'on se rappelle des disques
de PCP dans 20 ans, même si je n'ai pas gagné un
sou.
C'est mieux que "Vous vous rappelez, j'ai fait un tube, il
y a 20 ans ! Un seul".
Moi je veux dire à mon même "Regarde tous ces
disques ! Ce sont tous les disques que j'ai fait !".
Quel est le rôle de Thorsten dans PCP ?
Avant toute chose nous sommes partenaires. Mais, au delà
des projets musicaux de PCP, il y a tous ces labels, la distribution
(PCD), les projets avec les nouveaux musiciens... Il aime s'occuper
de tout ça.
Sur scène, quand nous sommes The Inferno Brothers,
Thorsten arpente la scène : il scande, il hurle, il prêche,
il provoque la foule, il chante, il pleure ... il boit pas mal,
aussi...
Moi, je reste derrière mes machines et j'envoie la purée
!!!
Thorsten rajoute à la musique une voix off, comme dans
un film.
"Le Hardcore peut avoir un beat très lent ! Tout
est dans l'attitude."
Quelle est la différence entre votre son et celui de
Rotterdam, par exemple ?
L'année dernière a été particulière.
La scène de Rotterdam était très hard. En
Allemagne tout le monde déteste ça. Le public a
fait un amalgame entre le son "hard" de Rotterdam et
celui de PCP.
Puis Mark Ho a grimpé en haut des charts en Allemagne,
et après beaucoup de musiciens comme Dj Paul firent
une musique proche de celle de Mark Ho : Ce fut le début
de cette merde de Happy Hardcore. Il fallut expliquer au public
la différence entre le Hardcore de PCP et le Hardcore de
Rotterdam.
Et puis nous avons joué dans une grande fête à
Rotterdam. Nous avons joué très dur et le public
a adoré. Vers la fin du set le promoteur vient nous voir
et nous dit "arrêtez cette musique de sauvage !!!"
Je l'ai regardé en disant "On est bien à Rotterdam,
là ?"
En rentrant on a composé le morceau "Rotterdam Is
Hard ! Ah Ah Ah You like My Ass Sucker ". Rob Gee
en a fait un remix, ce qui était stupide puisque il ne
s'agissait que d'une farce.
Vous ne jouez pas au prochain Mayday qui aura lieu à
Francfort ?
La dernière fois qu'on a joué à Mayday, c'était
à Dortmundt (NB. 30-4-1993, avec entre autre Liza N'eliaz,
Lenny Dee, Rok, et Jeff Mills) et ìa s'est plutôt
mal passé ! Pourtant tous les groupes ne jouaient que 15
à 20 minutes !
On commence notre set, et après 10 minutes, un type qui
s'appelle Chris Nox nous fait signe d'arrêter "It's
time to stop !!!"
Nous on continue de jouer devant 15 000 personnes qui hurlaient.
Puis il a carrément arrêté le son ! Soudain
on s'est retrouvé 15 personnes sur scène et une
bagarre a éclaté. C'était n'importe quoi
! Imagine la tronche du public... En rentrant on a écrit
le morceau "Suck My Dick" sur Kotzaal.
Voilà pourquoi on ne jouera pas à Mayday cette fois-ci,
même si c'est chez nous. Mais, au-delà des considérations
commerciales, Mayday est une chose extraordinaire à vivre
en tant que musicien. Tu as 20 000 personnes devant toi qui veulent
toutes faire la fête et péter les plombs.
Lorsque tu oublies tout le cirque autour de Mayday qui n'est pas
bon pour la techno, c'est un moment très fort à
vivre.
Quel bilan peut-on faire de la scène Hardcore en Allemagne
?
Nous avons créé la scène hardcore allemande.
Il y a d'abord eu cette merde de gabber. Aujourd'hui tu vois l'émergence
de style comme l'extrême core ou le speed core...
Du côté de l'ancienne Allemagne de l'Est, tu vois
aussi pas mal de musiques imprégnées de mauvaises
idées, comme des citations d'Adolf Hitler, et ça
c'est très mauvais pour la musique et la téte.
Il y a tous ces types qui se disent hardcore, et qui se contentent
de mettre un beat à fond et d'hurler des trucs dans un
micro.
Mais ça ce n'est pas du hardcore !!! Le hardcore peut avoir
un beat très lent ! Tout est dans l'attitude.
"On est trop jeune pour écouter de la House"
Pour finir deux questions qui fâchent : Qu'est ce que
vous pensez de la House ?
On est trop jeune pour écouter de la House.
La Goa ?
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Un conseil :
Ne leur parlez pas de Goa !!!...
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