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Tu as fait l'école hôtelière, ensuite tu touches un peu au spectacle et puis tu deviens Dj, c'est pas classique comme parcours... En 88, on était toute une bande de potes qui trainait au "Blitz" à Cannes et on faisait la fête en permanence. On gravitait autour du Dj de l'époque qui s'appelait Max et on était quelques uns à créer l'animation. C'était très drôle, on s'habillait avec des fringues démentes. Ensuite, il y a eu l'arrivée de deux garçons qui ont commencé à organiser des soirées "Acid House", les soirées "Pyramide". On est alors en 89. Là, c'était l'euphorie, un véritable carnaval. J'étais très attiré par ce monde de fête, où tout le monde se cotoyait, sans différence. C'était la fête avec un grand F.
Et c'est tout naturellement que tu t'es retrouvé à bosser dans ce genre de soirée... Un jour, on est venu me voir, effectivement pour travailler dans une soirée à Cannes et cela a duré quatre ans. J'ai tout fait : barman, animation, communication, promo... J'étais vraiment heureux de pouvoir évoluer dans ce milieu. J'en ai laissé tomber mon boulot dans l'hôtellerie. Je crois que l'apothéose a été la soirée "Limelight" organisée à "La Palestre" et qui a réuni pas loin de 4000 personnes en juillet 91. Ce qui est drôle, c'est qu'on avait alors comme clients des gens comme Jack, Olive... Ensuite, la presse a fait son travail de désinformation et les soirées ont un peu ralenti. On a commencé, nous aussi, à connaître le marasme.
Et donc ? Je trouve alors une place de Dj dans une boite Gay, "les Trois Cloches". J'ai un peu exagéré sur mon Curiculum Vitae en disant que j'avais une expérience de Dj. Pendant les quatres mois où j'y ai travaillé, j'ai appris à sentir les gens qui se trouvent sur le "dance-floor". Par conséquent, c'est aussi la période où tu as appris à mixer !
C'est à ce moment que tu décides de monter le restaurant ? Oui, c'est à cette époque. On tournait en rond et je cherchais à créer un endroit où l'on pourrait écouter cette musique. C'était de l'inconscience pure. J'ai appelé ma famille et ils m'ont beaucoup aidé dans la suite du projet. On a ouvert le restaurant et comme on n'avait pas d'argent pour payer un Dj, j'ai pris les platines. C'est certainement là que je me suis réellement impliqué à fond dans la musique. Le fait de jouer tous les soirs m'a été bénéfique.
C'est quand même hallucinant car ce Restau qui fait quoi ? Cent mètres carrés... Soixante dix huit mètres carrés, cuisine incluse.
Ce Restau, tu as réussi à le remplir d'une manière inconcevable et tu as réussi à y faire jouer les plus grands... Carl Cox, Dj Pierre, Jeff Mills, Roger Sanchez, Mr C, Damon Wild, Laurent garnier, Liza N'Eliaz, Pascal FEOS...
Comment as-tu rencontré Garnier ? C'est grâce à Scan X. On se connaissait, et il m'a amené toute l'équipe de Fnac Music, un soir, pendant le Midem. A cette époque, j'avais travaillé en studio avec un garçon qui s'appelle Pierre et qui tenait une boîte à Nice. Marc, mon ami, a passé une cassette du morceau et Ludo et Shazz m'ont conseillé de le faire écouter à Eric et Laurent. Je leur ai donné la cassette et quinze jours après, ils m'ont rappelé pour me demander de leur proposer d'autres morceaux. Stéphane (Scan X) m'a aidé à produire les morceaux et c'est ainsi que j'ai fait mon premier disque pour eux.
Tu arrives à gérer ton temps avec la multiplicité de tes activités ? C'est dur... Le plus difficile, c'est le restaurant car il est ouvert tous les jours. C'est une espèce de vitrine. C'est un endroit simple, sincère et créatif. J'ai envie que ce soit une sorte de représentation de ce mouvement. Le mouvement véhicule certaines idées de ras-le-bol et nous essayons d'en être un modeste reflet. Au Barbarella, on est un peu anti-conformiste, on fait de l'hôtellerie à notre manière. Le pain dans des bassines en plastique, le Chili dans des gamelles de chat, des photos de cul dans le menu...
Le fait que cet endroit soit un restaurant prouve-t'il que la techno et la house peuvent être des musiques d'ambiance ? Oui, tu peux écouter de la house ailleurs que sur un dance-floor. La preuve ! Tu es peut-être même plus attentif lorsque tu es assis. Et puis, ça prouve qu'on est des gens normaux. Ca, c'est pour les médias qui n'informent pas mais qui jugent. A ceux là, on a envie de dire, voilà, on va au Restau, on mange, on boit, on dort, on paye... Nous sommes normaux ! On a d'ailleurs de bons rapports avec la Police qui nous fait confiance et qui reconnait que même si cet endroit est l'un des plus délirants, c'est certainement l'un des mieux tenus.
Le MIDEM ?
Les artistes jouaient gratuitement, certains d'entre eux ont-ils refusé ? Non. Certains n'ont pas répondu, d'autres n'ont pas répondu à temps, mais dans l'ensemble je n'ai jamais ressenti de blocage.
Qui sont les gens que tu respectes ? Les gens que je respecte sont ceux qui adhèrent totalement à ce mouvement et en défendent les valeurs. Ceux qui ne vivent pas pour le pouvoir et l'argent. J'aime les gens honnêtes avec eux-mêmes, avec leur musique, avec leur art. Quelque soit le genre musical d'ailleurs... S'il y a des idées, c'est le principal. Quoi qu'il en soit, ensuite, s'il y a de l'argent en jeu, il doit être considéré comme un moyen mais surtout pas comme une fin en soi.
Si tu devais t'exiler et n'emmener qu'un disque, lequel serait-ce ? Tous !
Non, un seul ! Laisse-m'en deux alors ! Le double X.102 et le RED PLANET 5.
Quand es-tu devenue Lady ? A la première soirée où j'ai joué. Ce jour là, j'avais décidé de m'habiller en Barbarella, pour rire, et l'organisateur, Enzo, m'a appelé Lady Barbarella. C'est resté !
Pourquoi Madame B ? J'ai envie de décliner cette identité dans toutes les langues parce quelque part, il y a une espèce de message à deux francs qui voudrait dire qu'il n'y a pas de pays, pas de frontières, dans cette musique. C'est peut être ma manière de dire "You maybe white, you may be black..."
On verra peut être alors une Frau B ?
Pourquoi pas ?
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