Interview : Laurent Garnier
Chef de file de la techno house française, Laurent Garnier est considéré comme l'un des 10 plus grands DJ House de sa génération. Parcours atypique, il exlique comment sa passion pour la musique Techno a changée sa vie.


Laurent Garnier : "Quand tu as douze ou treize ans, et que tu dis à tes parents que tu veux être Disque Jockey, ils te répondent : vas te coucher et on verra demain ! Pour les parents, c'est pas un métier !

A l'époque je ne les comprenais pas. Ils avaient peur car ils imaginaient leur fils mettre des disques toute sa vie. Avec le recul, je comprends mieux aujourd'hui leur réaction. Je pense qu'ils n'ont jamais compris la passion que j'avais pour ce truc là. Ils m'ont fait faire l'école hôtelière et comme ma mère était coiffeuse, j'ai fait un peu de coiffure.
A quinze ans j'ai bossé dans le salon de coiffure de ma famille, je faisais des shampooing et des conneries comme ça.
De seize à dix-huit ans j'ai fait l'école hôtelière. Comme je voulais apprendre l'anglais, j'ai eu beaucoup de chance d'être pris à l'ambassade de France à Londres en tant que valet de pied. Plus tard je suis partis pour Manchester où j'avais un boulot dans la restauration. Je suis resté quatre ans et demi à Manchester, je sortais tout les soirs, c'est comme ça que j'ai rencontré des gens à la Cienda, et je leur ai fait écouter des cassettes et on m'a proposé de faire une soirée par semaine.

En 88, j'ai fais mon armée à Paris, le soir je travaillais en tant que Disque Jockey.

En 89, je suis retourné à la Cienda, à Manchester pour faire les samedis soir. En 90, j'ai décidé d'arrêter la restauration et de faire de la musique à plein temps à Paris.

Je suis rentré à Paris, j'ai eu des propositions pour travailler à la Luna, mais aussi au Rex au début et j'ai commencé à bosser en tant que DJ à plein temps. La première fois que je suis rentré dans un studio, je voulais simplement faire un jingle pour une de mes soirées, j'ai touché un peu plus que trois boutons, et on a fait un morceau. Le lendemain, j'ai été dans une boutique de disque et ils m'ont proposé de signer, moi j'était partant, ça m'a fait très plaisir. On a donc sorti le disque, ça n'a pas été un grand succès, mais on a quand même vendu 2000 exemplaires, ce qui était pas mal.


Le DJ aujourd'hui est quelqu'un qui se spécialise, il a vraiment son style, sa musique, il apporte ses propre disques.

Il va essayer de faire voyager, de pousser les gens un peu plus loin. Avant tu allais en boite pour rencontrer des gens, être avec tes potes, pour boire un verre et peut-être pour écouter de la musique et pour danser un peu. Aujourd'hui, ça n'a rien à voir, les jeunes vont en boite pour écouter une histoire, ils communiqueront peut-être un peu moins entre eux mais la musique est beaucoup plus importante. Le DJ a une vrai place dans la soirée, il arrive à sentir sa piste, à avoir des émotions avec les gens et à jouer le bon morceau au bon moment.
Par contre, un disquaire est là pour faire plaisir à tout le monde. Il n'a pas une démarche musicale spécifique, originale.

Le moment le plus fort de la soirée pour le DJ, c'est quand il sent qu'il a les gens dans sa main et qu'il peut faire ce qu'il veut. Tu as besoin de deux ou trois heures pour avoir le temps de t'installer, que les gens te montrent ce qu'ils ont envie d'entendre et jusqu'où tu peux aller. Et à partir de là tu les emmène où tu veux.

Un des moment le plus fort que j'ai eu , c'était en 87 dans un club de Liverpool, au tout début de ma carrière, j'ai vu une salle devenir folle comme jamais, les gens devenaient hystériques. C'est comme si Manchester marquait un but. Et ça c'était vachement fort.


Mais quand j'ai joué l'an dernier devant dix mille personnes, c'était vraiment étonnant. Je me sentais tout petit et en même temps je savais que dix mille personnes dansaient sur mes disques. C'était génial ! Mais en réalité ce n'est pas la taille de l'événement qui fait l'ambiance, j'ai joué récemment en Bretagne devant deux cent personnes et l'ambiance était génial. C'est ce qui fait que 90% des DJ continuent leur métier. Parce que ces moments là, tu peux pas les expliquer, les transmettre aux autres, quelque part c'est comme un orgasme, mais ça se passe dans la tête.

Laurent Garnier

Voir aussi Avril 1997