Interview : Fat Boy Slim


OH HAPPY DAYS !
Réputé autant pour ses stupéfiantes frasques nocturnes que pour son habileté à faire briller les idées de ses pairs, Norman Cook semble enfin avoir trouvé la voie de la sagesse sur le deuxième album de Fatboy Slim. Avant qu'on ne le propulse à la conquête du monde, bien malgré lui semble-t-il, entretien avec un bouffon devenu roi.







Norman Cook ne veut pas sourire. En tout cas, pas se forcer à sourire. Selon lui, ça ne le met pas à son avantage. Les séances photos et les tournages de vidéos sont d'ailleurs son pire cauchemar. Et il faut bien reconnaître que sa bonne humeur potache l'amène allégrement à franchir la fine frontière qui sépare un petit air complice d'un sourire ahuri. N'empêche qu'on reste étonné par autant de disponibilité, quand on se souvient que, l'année dernière, le même Norman avait renvoyé dans leurs pénates les quelques journalistes français venus le rencontrer sur les festivals qui égaient au printemps les prairies britanniques. Affublé d'une telle réputation, celui que l'on surnomme le "funk soul brother" depuis le succès international de la guitare surf de "The Rockafeller Skank", tente de s'assurer une certaine tranquillité. Chez Sony, la major japonaise qui voudrait bien conquérir le monde avec les hymnes décérébrés de ce fêtard jusqu'au boutiste, on ne s'amuserait pas à le déranger pour rien. Nous non plus d'ailleurs. Surtout pas dans son fief de Brighton ­ un genre de Deauville si l'on y mangeait ses frites avec du vinaigre ­, dans sa propre demeure où le plus demandé des remixeurs anglais a accepté de nous recevoir à la veille du succès annoncé de "You've Come A Long Way, Baby", second album sous le sobriquet de Fatboy Slim, qui à défaut de tenir toutes ses promesses offre quelques tubes jouissifs pour adeptes du goulot. En contemplant du premier étage la mer pendant de longues minutes, une légère brise de sérénité nous souffle qu'être une star aujourd'hui, c'est avant tout savoir garder un certain contrôle sur son succès pour mener l'existence que l'on veut. Alors plutôt que de se noyer dans des considérations fumeuses sur le sens de la vie ou l'avenir de la musique, de chercher dans l'autodérision affichée les failles d'une carapace patinée, on cède sans hésiter devant les charmes de cet attachant saltimbanque du sampler.

Norman Cook : "Faire la promotion de cet album est la partie la plus contraignante de mon boulot. J'adore composer un album, mais je déteste les interviews et, par-dessus tout, les sessions photos et les clips. J'ai tendance à penser que la bonne musique se vend d'elle-même, par le bouche à oreille, mais malheureusement les maisons de disque n'aiment laisser aucune place à l'approximation : elles veulent constamment que tu vendes plus de disques. Je ne suis pas un très bon commercial, mais c'est quand même mieux que de devoir travailler."

Puisque tu parles de travail, est-ce que tu t'es déjà imaginé ailleurs que dans la peau d'un musicien ?

J'ai réfléchi, mais plus par nécessité que par choix. Si je n'avais pas été producteur, je crois que j'aurais été pompier : tu passes le plus clair de ton temps à glander assis dans un fauteuil, puis il y a des moments vraiment intenses, pendant lesquels l'excitation est à son comble. Et il y a un uniforme sympa qui plaît bien aux filles.

C'est quoi précisément cette histoire de musique pour les Schtroumpfs ?

On m'a demandé de faire la musique d'un jeu vidéo consacré aux Schtroumpfs. En fait, il fallait d'abord que je fasse une démo pour que la société de production voie si ça leur plaisait et ils étaient prêts à me payer £1 000 pour un travail qui me demandait deux jours de boulot en studio. J'ai fait une démo vraiment horrible histoire d'être sûr qu'ils ne m'engageraient pas et j'ai quand même touché la thune dont j'avais vraiment besoin à l'époque !

Disco Skint/S.M.A.L.L/Sony