La Trance à la loupe


De la trance-formation à la trance-fusion

Principal vecteur du succès de la techno en Europe au début des années 90, la trance trouve d'abord sa Mecque en Allemagne, à Francfort, sous les traits des labels Eye Q Records et Harthouse, qui produiront parmi les plus grands hymnes de ce courant, de Hardfloor à Sven Väth. Sa version psychédélique, venue de Goa et désignée sous ce nom, prend le relais à partir de 1993, conduite principalement par les productions anglaises de T.I.P et Blue Room. Mais très vite, croulant sous ses propres clichés et marketée à outrance, elle ne tarde pas à s'enliser. Les heures glorieuses passées, la trance devient une recette appliquée à chacun des styles qu'a pu générer la techno, avec un leitmotiv cependant : l'évolution rythmique et sonore des titres transporte grâce aux couches successives dans une irrésistible envolée, digne des transes les plus ancestrales.

La suite est très simple. Le renouveau du genre s'accompagne d'un éclatement de ses influences et des musiques auxquels il est lié. La trance progressive puise sa source dans le groove de la house music : le double CD Singularity mixé par le DJ hollandais Lucien Foort est un exemple redoutable de l'efficacité du genre, propulsé par un son énorme. La trance psychédélique prend quant à elle racine dans les rythmes ethniques : l'album Shango de Juno Reactor part ainsi à la rencontre des percussionnistes sud africains, entre vapeurs orientales et jembés fous sur des ambiances hallucinées. Moins consensuelle, la techno-trance ou hard-trance s'inspire du son plus dur des free-parties, sans compter les rythmes lents du dub ou de l'ambient qui font merveille dans l'esprit trance. Ecouter pour s'en convaincre le somptueux Are You Shpongle ? de Shpongle. Au final, bien malin celui qui pourrait expliquer la trance d'aujourd'hui. Bien placés en tous cas sont ceux qui la défendent depuis plus de 10 ans. La culture club anglaise a en effet donné une nouvelle jeunesse aux Paul Van Dyk, Paul Oakenfold ou autres DJ's de la première heure qui jouent à prix d'or depuis deux ans. Van Dyk en profite pour sortir un nouvel album de très bonne facture destiné aux club kids, comme on les appelle, trop jeunes pour s'épancher sur la trance allemande des débuts, et qui se rattrapent donc aujourd'hui…

Opération mercantile ou juste retour des choses, la trance des premières années est en tout cas revenue en force sur les dancefloors avec son lot de compilations à la clef dont l'éclectique Northern Exposure de John Digweed et Sasha, autres grands noms de la club-culture anglaise. N'oublions pas la club-trance, nouveau phénomène en Israël, ou même le french-pressure, comme la nomment les étrangers en parlant de la déclinaison française du genre. Force est de constater que la trance n'est donc pas une mais se mue en de multiples fusions: jusqu'au premier single extrait de Between The Gutter And The Stars de FatBoy Slim, s'inspirant directement du son hypnotisant de la trance… A moins que ce ne soit l'inverse. --Gabriel Masurel