La vie de l'homo techno


Même si la techno a déjà quelques dizaines d'années derrière elle, rares sont les spécialistes qui se sont déjà penchés en profondeur sur le phénomène. Les ouvrages sur le blues, le rock, voire le disco, existent. Pour la techno, les rayons sont encore vides. Prenons-nous la tête quelques instants et réfléchissons.

Figure emblématique de la culture techno: la rave (to rave = délirer en anglais).
Au départ clandestines et gratuites, les raves s'officialisent, au grand dam de certains, comme Tanguy, qui a plusieurs fois traversé la Manche pour y assister. "Les jeunes voulaient se battre contre le fait que les pubs fermaient à 2h du mat. C'est pour ça que les raves étaient quasi secrètes, que seuls les initiés savaient où et quand s'y rendre. Un système de jeu de piste et de mots de passe tenaient à distance les indésirables". Friches industrielles, forêts, parkings..., tous ces lieux accueillent les raves et les ravers.

Petit à petit, la techno est entrée dans les boîtes. On y danse jusqu'aux premières lueurs de l'aube et parfois toute la journée du lendemain. Pour garder la forme: des gorgées de smart drink supervitaminé pour éviter les coups de pompe et les paupières qui se ferment. Et quand y en a plus, y en a encore. Une fois sortis de l'enfer du club, l'homo techno se paie un after, c'est-à-dire un endroit où son corps tentera de se remettre des folies subies durant les dernières heures. L'homo techno en profite pour s'enfiler un petit-déj sur fond de musique plus relaxante, que l'on appelle ambient. D'ailleurs, dans une bonne rave, une vraie de vraie, il y a plusieurs pistes de danse différentes proposant chacune une tendance musicale, dont un petit havre de paix genre repos du raver après l'effort.

Foetus dans la foule
Côté message, certains se sont tout de même vachement creusé la tête pour théoriser la techno. D'après eux, le slogan caché des homos techno, c'est "carpe diem" (profitons du moment présent), car la vie est courte. C'est pourquoi chaque minute de danse compte, que toute la nuit est mise à profit pour s'éclater. On danse, on ne pense plus qu'à ça pour éviter de penser qu'on n'a pas de boulot, que la vie est dure, qu'il faut payer le loyer du mois prochain ou qu'on a des exams à passer. Il y a même un psy français qui rapproche le rythme techno des pulsations cardiaques que le foetus entend dans le ventre de sa mère. C'est pour cela qu'on s'y sentirait si bien. Il est vrai qu'avec le volume et les rythmes de cette musique, c'est tout le corps qui participe à l'expérience techno. C'est le défoulement total, surtout quand on est protégé par l'anonymat de la foule. Dans une soirée techno digne de ce nom, entre la musique à fond les baffles et les mille autres personnes qui dansent, pas facile en effet de draguer ou d'entamer un slow langoureux.

Bref, disons que la techno, comme n'importe quel autre mouvement, est l'occasion d'appartenir à un groupe, de s'affirmer et de trouver une reconnaissance auprès des autres. Et quand on aura 50 ans, on en rigolera peut-être.

Isabelle Ghislain