Derrick May

Le grand inventeur de la techno avec Atkins et Saunderson :

"Notre musique, c'est la rencontre dans un même ascenseur de George Clinton et de Kraftwerk"

De Kraftwerk à la Trinité de Detroit
L'histoire, ravers et fondus de techno se la récitent comme un mythe fondateur. Après Kraftwerk, qui forgea en un même rythme Stockhausen et le rock, c'est à Detroit, sur les bords pollués du Lac Michigan, qu'une Trinité black enfanta le son de la technocratie. Ces pères fondateurs se nomment Juan Atkins, Derrick May, Kevin Saunderson. De cette techno de Détroit, Atkins en sera le parrain, Saunderson l'homme à succès, et May le porte-parole créatif et intellectuel...

Et la techno naquit de Cybotron à Detroit
Vers le début des années 80, Juan Atkins, jeune musicien noir de Detroit fasciné par l'electro-pop européenne, va fonder son premier groupe, Cybotron. Dans son sillage il va convertir deux jeunes artistes du coin à la magie des machines, à savoir Kevin Saunderson et Derrick May. Quelques années plus tard, ce trio infernal apparaîtra comme le pionnier d'un nouveau genre musical, sorte d'étrange groove électronique minimaliste : la Techno.
Tous trois, respectivement nés en 1962, 1963 et 1964, donnèrent à la musique purement technologique son esprit black, une mutation essentielle que Derrick May résume en une formule restée fameuse : "notre musique c'est la rencontre dans un même ascenseur de George Clinton et de Kraftwerk. Elle est à l'image de Detroit : une totale erreur."

La transe minimale de Derrick May
Un brin intello, nourri d'Alvin Töffler, prophète de la Troisième Vague et des techno-rebelles, Derrick May est l'inventeur d'une transe minimale. Les vocaux s'y évanouissent au profit d'atmosphères lyriques et mentales, la basse obsessionnelle se fond en une complexité arythmique, syncopée, vibrante de couleurs métalliques. C'est sur Transmat, le label de Derrick May, connu aussi sous le pseudo de Mayday, que se sont faits connaître Suburban Night et Carl Graig, autres talentueux musiciens techno black.

La magie du contact spirituel
Sur l'un de ses meilleurs maxis, "The Beginning", Derrick pose en exergue un extrait du Chant des Origines des Indiens du Dakota qui définit bien son inspiration hybride : "Le Premier Né émergea de la boue originelle au rythme de son propre coeur. Ainsi l'homme connut le vrai rythme depuis le commencement. Puis il apprit à se servir du rythme pour chanter. Et certains découvrirent ainsi le vrai pouvoir du son : la magie du contact spirituel".

"La techno n'a jamais été du boom-boom-boom"
"La ville, la musique, la nuit, les lumières, la vie, le 'pulse', voilà ce dont parle véritablement la techno de Detroit. Il n'a jamais été question de boom-boom-boom, nous n'avons jamais aimé ça, JAMAIS. Le mot techno est utilisé aujourd'hui pour tout et n'importe quoi. Il n'est pas si important. Ce qui compte, c'est la foi en la musique, et réunir un vaste spectre de pratiques musicales différentes qui nous tiennent à coeur. Lorsque les gens m'entendent mixer, ils se disent parfois : 'mais pourquoi s'aventure-t-il à jouer de tels disques, pourquoi ne joue-t-il pas du boom-boom-boom'. Parce que j'aime éduquer les gens, avoir l'opportunité de leur exposer ma vision des choses. Démontrer que tout est là, dans la fusion des âmes, mixing the souls."
Derrick May, interviewé par Jean-Yves Leloup.

La musique des machines ou l'inconscient de Detroit
"Les machines... l'idée des machines, de l'électronique, est évidente. Surtout venant de Detroit. Ici, tout le monde a un parent qui travaille dans l'industrie. C'est une influence directe, parfois très froide, dénuée d'émotion. La machine n'éprouve ni amour ni sentiment. Parfois ceux qui bossent pour ces machines n'ont plus aucun sentiment car ils travaillent des heures, complètement absorbés par quelque chose qui ne leur donne rien en retour. On a été amené à faire cette musique inconsciemment car tout est inconscient. Une pensée inconsciente. Une émotion inconsciente. On a pris l'idée des machines, pas forcément le synthé mais le son du synthé et on a créé nos propres sons, et tous ces sons inconsciemment venaient de l'univers de l'industrie, de la mécanique, des machines, de l'électronique. Pourquoi ? Parce qu'on vient de Detroit. C'est là que vivent nos familles et nos amis. C'est là qu'ils travaillent et créent. Cet environnement nous a créé. Et nous, à notre tour, socialement, et inconsciemment, on a créé cette musique. En créant cette musique, on a créé notre environnement, ce que l'on considérait être notre environnement."
Derrick May, dans le documentaire de Dominique Deluze "Universal Techno".

Discographie Sélective
"Innovator", coffret d'inédits et remixes, Sony Japon / Import
"Relics", compilation du label Transmat, Buzz / Import Collection Mixmag Live (Media 7)
Maxis chez Transmat : "Strings of Life", "Beyond The Dance", "MS 6", "The Dance", "The Beginning"
"Mix-up Vol.5", CD mixé, S3 / Sony